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DISCOURS DE M. BELLEGUIER, ETC.


vermicula (la langue des laquais), ne paraît point, à nos maîtres d’éloquence, valoir la peine d’être encouragée. Il est évident que nos colonels, nos magistrats, nos évêques, ne parlent jamais que français ; on ne peut se dispenser d’employer les trois quarts du temps de leur éducation à leur apprendre à faire des phrases en latin : sans cette précaution, ils ne parleraient cette langue de leur vie.

Le prix ne peut être disputé que par des maîtres ès arts : il fut fondé dans un temps où les jésuites existaient encore, et on sait quel scandale se serait élevé dans l’Université, si, par mégarde, elle avait couronné le latin du collège de Clermont.

Cependant M. Cogé, professeur de rhétorique au collège Mazarin, s’avisa, vers 1768, de faire un livre contre le XVe chapitre de Bélisaire, où il prouva doctement que, pour éviter d’être brûlé pendant toute l’éternité, il faut croire que Trajan, Marc-Aurèle et Titus sont dans l’enfer pour jamais, et, de plus, contribuer de toutes ses forces à faire brûler, de leur vivant, ceux qui pensent comme ces hommes abominables, soit en portant des fagots à leur bûcher, comme le roi d’Espagne saint Ferdinand, soit en écrivant contre eux des libelles, comme monsieur le professeur. Des philosophes prirent la peine de se moquer des libelles et de Cogé, qui, se trouvant, quelques années après, recteur de l’Université, imagina, pour se venger, de faire proposer, pour sujet du prix, la question suivante :


Non magis Deo quàm regibus infensa est ista quæ vocatur hodiè philosophia.