Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/308

Cette page n’a pas encore été corrigée
294
REMARQUES SUR LES PENSÉES DE M. PASCAL.


à la vérité, que pour les propositions évidentes en elles-mêmes, ou liées entre elles par une démonstration dont nous ayons la conscience dans un même instant, et elle n’existe même que pour ce seul moment, Les autres vérités sont des vérités d’expériences, sur lesquelles on ne peut avoir par conséquent que des probabilités plus ou moins grandes ; mais ces probabilités ont sur nous une force irrésistible ; elles suffisent pour la conduite de la vie ; et une expérience constante nous montre que sur plusieurs points elles n’ont jamais été démenties.

Les réflexions que M. de Voltaire oppose à Pascal sont d’une philosophie douce, modérée, fondée sur l’expérience ; elle plaît moins aux hommes d’une imagination vive, que la philosophie exagérée de Pascal. Il y a bien peu d’hommes, même parmi les philosophes, qui soient capables d’attendre, dans une tranquille incertitude, les preuves de ce qu’ils ne peuvent connaître ; qui sachent ne douter que de ce qui est réellement douteux ; qui n’admettent point de théories incertaines, parce qu’elles expliquent, d’une manière séduisante, les phénomènes qui embarrassent, mais qui ne rejettent point des vérités prouvées, parce qu’on leur oppose des objections embarrassantes ; qui appliquent, en un mot, à chaque vérité particulière, le degré de probabilité qui lui convient ; à chaque ordre de vérité, l’espèce de certitude dont, par sa nature, il est susceptible ; et qui sachent enfin se contenter de la vérité telle qu'’elle est, quand même l’erreur opposée serait ou plus flatteuse pour l’amour-propre, ou plus agréable pour