Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée
293
REMARQUES SUR LES PENSÉES DE M. PASCAL


pourquoi il existe des êtres sensibles et raisonnables. Il faudrait du moins s’assurer si nous avons, si nous pouvons avoir jamais quelques données pour résoudre cette question.

Pascal avance que la raison ne nous conduit ni à prouver l’existence de Dieu, ni à la certitude de l’immortalité de l’âme, ni à la connaissance des principes certains de la morale. Bayle a dit à peu près la même chose : tous deux ont ajouté que la foi était le seul remède à ces incertitudes ; tous deux eurent une probité irréprochable, et ne vécurent que pour l’étude et pour la vertu ; tous deux écrivirent avec gaieté et avec éloquence contre les gens qui voulaient dominer sur les opinions par la force, et violer la liberté des consciences. Mais Pascal joignit aux vertus d’un homme les petitesses d’un moine, et fut le disciple soumis des théologiens de sa secte. Bayle se moqua des vertus monastiques, et combattit les théologiens de son parti : l’un ne défendait contre les jésuites que des prêtres et des religieuses ; l’autre défendait contre les prêtres la cause du genre humain : l’un était devenu pyrrhonien par l’excès de l’enthousiasme religieux ; l’autre, pour établir plus librement un pyrrhonisme plus modéré, était obligé de mettre la foi comme un bouclier entre lui et ses ennemis : l’un a presque passé pour un père de l’Église, et l’autre est regardé comme un chef de libres penseurs.

Nous croyons que tous deux ont trop exagéré l’incertitude de nos connaissances et la faiblesse de notre esprit. La certitude absolue n’existe, ne peut exister,