la vérité aux hommes, de ne jamais les tromper, est
toujours la même ; mais chaque forme d’ouvrage est
susceptible d’une vérité différente. On peut être de
bonne ou mauvaise foi dans un roman comme dans
une histoire, dans une tragédie comme dans un
livre de morale ; mais ce n’est point de la même
manière.
Quant aux répétitions, tous ces ouvrages ont été publiés à part et successivement ; ils se répandaient difficilement et avec lenteur dans la capitale, dans les provinces, dans plusieurs États de l’Europe, où les opinions nouvelles étaient saisies aux portes des villes, comme des marchandises prohibées, et où des hommes chargés de ce qu’ils appelaient la police des livres, s’étaient arrogé le droit de penser pour le reste de leurs concitoyens. Souvent ceux entre les mains de qui tombait, par hasard, un de ces ouvrages, n’avaient pu connaître les autres : il n’était donc point inutile d’y répéter les mêmes choses.
Quand il s’agit de combattre des opinions reçues, la vérité qu’on y oppose, si elles sont fausses, ne dissipe point l’erreur à l’instant où cette vérité se montre ; il faut la présenter souvent, et sous des faces différentes, si l’on veut l’établir ou la répandre. Un seul ouvrage suffit à la réputation d’un auteur ; mais il en faut plusieurs pour consommer la révolution qu’on veut opérer dans les esprits. Or, ce ne peut jamais être la vanité d’auteur, de philosophe, qui engage à combattre les croyances religieuses ; elles sont, par leur-nature, ou divines ou absurdes ; il est impossible, par conséquent, à un homme sensé,