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PHILOSOPHIE GÉNÉRALE.


doit aux scolastiques la justice d’avouer que nous avons appris d’eux à employer, dans la philosophie, des définitions précises, à suivre une marche régulière, à classer nos idées, et même à en faire l’analyse, quoique leur méthode pour cette analyse ait été défectueuse. Le sage Locke nous enseigna la véritable méthode ; mais à peine son ouvrage fut-il connu, que, frappés des vérités utiles qu’il renferme, convaincus par lui des bornes étroites où la nature nous a resserrés, dégoûtés enfin pour jamais de tous les vains systèmes dont il leur avait montré le vide ou l’extravagance, la plupart des philosophes crurent que Locke avait dit tout ce qu’on pouvait savoir ; qu’il n’y avait rien de plus à trouver en métaphysique, et qu’il fallait se borner à l’entendre et à l’éclaircir.

Cette opinion, devenue presque générale, nous paraît peu fondée. La métaphysique n’est que l’application du raisonnement aux faits que l’observation nous fait découvrir en réfléchissant sur nos sensations, nos idées, nos sentiments ; et personne ne peut supposer que tous ces faits aient été observés, analysés, comparés entre eux. Il serait même peu philosophique de regarder comme invariables les bornes que Locke a données à l’esprit humain. Il en est de la métaphysique comme des autres sciences, dont elle ne diffère que par son objet, et non par sa certitude ou par sa méthode. On peut dire de chacune : Voilà ce à quoi, dans l’état actuel des lumières, l’esprit humain peut espérer de parvenir ; s’il creuse plus avant, il court risque de se