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PHILOSOPHIE DE NEWTON.

dits par les faits, ou contraires aux lois de la mécanique. Depuis et avant Thalès, on a expliqué de mille façons différentes la formation d’un univers dont on connaît à peine une petite partie.

Bacon, Newton, Galilée, Boyle, qui nous ont guéris de la fureur des systèmes en physique, ne l’ont point diminuée en histoire naturelle. Les hommes renonceront difficilement au plaisir de créer un monde. Il suffit d’avoir de l’imagination et une connaissance vague des phénomènes que l’on veut expliquer ; on est dispensé de ces travaux minutieux et pénibles qu’exigent les observations ; de ces longs calculs, de ces méditations profondes que demandent les recherches mathématiques. On bannit ces restrictions, ces petits doutes qui importunent, qui gâtent la rondeur des phrases les mieux arrangées : et si le système réussit, si l’on en impose à la multitude, si l’on a le bonheur de n’être qu’oublié des hommes vraiment éclairés, on a pris encore un bon parti pour sa gloire. Newton survécut près de quarante ans à la publication du livre des principes ; et Newton mourant ne comptait pas vingt disciples hors de l’Angleterre : il n’était pour le reste de l’Europe qu’un grand géomètre. Un système absurde, mais imposant, a presque autant de partisans que de lecteurs. Les gens oisifs aiment à croire, à saisir des résultats bien prononcés ; le doute, les restrictions les fatiguent ; l’étude les dégoûte. Quoi ! il faudra plusieurs années d’un travail assidu pour se mettre en état de comprendre deux cents pages d’algèbre, qui apprendront seulement comment l'axe de la