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PHILOSOPHIE DE NEWTON.

La pièce de M. de Voltaire est la seule qui contienne quelques expériences nouvelles ; il y règne cette philosophie modeste, qui craint d’affirmer quelque chose au delà de ce qu’apprennent les sens et le calcul ; les erreurs sont celles de la physique du temps où elle a été écrite ; et, s'il nous était permis d’avoir une opinion, nous oserions dire que si l’on met à part la formule de la vitesse du son, qui faille principal mérite de la dissertation de M. Euler, l’ouvrage de M. de Voltaire devait l’emporter sur ses concurrents, et que le plus grand défaut de sa pièce fut de n’avoir pas assez respecté le cartésianisme et la méthode d’expliquer qui était alors encore à la mode parmi ses juges.

La Dissertation sur les forces vives fut présentée à l’Académie des sciences en 1742 : cette compagnie en fit l’éloge dans son histoire ; elle n’était pas alors dans l’usage de faire imprimer les ouvrages qui lui étaient présentés par d’autres que par ses membres.

M. de Voltaire y soutient l’opinion générale des Français et des Anglais contre celle des savants de l’Allemagne et du Nord. On commençait à se douter alors que cette mesure des forces, qui partageait tous les savants de l’Europe, était non une question de géométrie ou de mécanique, mais une dispute de métaphysique, et presque une dispute de mots.

M. D’Alembert est le premier qui l’ait dit hautement ; des philosophes l’avaient soupçonné ; mais pour se faire écouter des combattants, il fallait un philosophe qui fût en même temps un grand géomètre.