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VIE DE VOLTAIRE.


jet d’Artémire sous des noms nouveaux, avec une intrigue moins compliquée et moins romanesque ; mais c’était surtout le style de Racine. La pièce fut jouée quarante fois. L’auteur combattit, dans la préface, l’opinion de la Motte, qui, né avec beaucoup d’esprit et de raison, mais peu sensible à l’harmonie, ne trouvait dans les vers d’autre mérite que celui de la difficulté vaincue, et ne voyait dans la poésie qu’une forme de convention, imaginée pour soulager la mémoire, et à laquelle l’habitude seule faisait trouver des charmes. Dans ses lettres imprimées à la fin d'Œdipe, il avait déjà combattu le même poëte, qui regardait la règle des trois unités comme un autre préjugé.

On doit savoir gré à ceux qui osent, comme la Motte, établir dans les arts des paradoxes contraires aux idées communes. Pour défendre les règles anciennes, on est obligé de les examiner : si l’opinion reçue se trouve vraie, on a l’avantage de croire par raison ce qu’on croyait par habitude ; si elle est fausse, on est délivré d’une erreur.

Cependant, il n’est pas rare de montrer de l’humeur contre ceux qui nous forcent à examiner ce que nous avons admis sans réflexion. Les esprits qui, comme Montagne, s’endorment tranquillement sur l’oreiller du doute, ne sont pas communs ; ceux qui sont tourmentés du désir d’atteindre à la vérité sont plus rares encore. Le vulgaire aime à croire, même sans preuve, et chérit sa sécurité dans son aveugle croyance, comme une partie de son repos.