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RELATION DE LA MORT DU CHEV. DE LA BARRE.


les renferme ordonne un véritable assassinai ; ce ne sont pas les gens soupçonnés d’un crime, mais ceux qui en sont convaincus, que la société a droit de punir. Dira-t-on que ces mots, véhémentement suspecté, indiquent une véritable preuve, mais moindre que celle qui fait prononcer que l’accusé est atteint et convaincu ? Celte explication indiquerait un système de jurisprudence bien barbare ; et, si on ajoutait qu’on punit un homme, moitié pour une action dont il est convaincu, moitié pour celle dont on dit qu’il est véhémentement suspecté, ce serait une confusion d’idées bien plus barbare encore.

Observons, de plus, que, dans ce procès criminel, non-seulement les juges ont interprété la loi, usage qui peut être regardé comme dangereux, mais qu’ils ont donné à cette interprétation secrète un effet rétroactif, en l’appliquant à un crime commis antérieurement, ce qui est contraire à tous les principes du droit public ; que la question de l’interprétation de la loi n’a pas été jugée séparément de la question sur le fait ; qu’enfin cette interprétation d’une loi, dans le sens de la rigueur, pouvait, suivant cette manière de procéder, être décidée par une pluralité de deux voix, et l’a été réellement d’un cinquième. Et l’on s’étonnerait encore qu’indépendamment de toute idée de tolérance, de philosophie, d’humanité, de droit naturel, un tel jugement ait soulevé tous les hommes éclairés d’un bout de l’Europe à l’autre !

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