Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée
14
VIE DE VOLTAIRE.


qu’ils ont une langue commune qu’eux seuls peuvent parler et entendre.

En 1722, Voltaire accompagna madame de Rupelmonde en Hollande. Il voulait voir, à Bruxelles, Rousseau, dont il plaignait les malheurs, et dont il estimait le talent poétique. L’amour de son art l’emportait sur le juste mépris que le caractère de Rousseau devait lui inspirer. Voltaire le consulta sur son Poëme de la Ligue lui lut l'Épitre à Uranie, faite pour madame de Rupelmonde, et premier monument de sa liberté de penser, comme de son talent pour traiter en vers et rendre populaires les questions de métaphysique ou de morale. De son côté, Rousseau lui récita une Ode à la postérité, qui, comme Voltaire le lui dit alors, à ce qu’on prétend, ne devait pas aller à son adresse ; et le Jugement de Pluton, allégorie satirique, et cependant aussi promptement oubliée que l’ode. Les deux poètes se séparèrent ennemis irréconciliables. Rousseau se déchaîna contre Voltaire, qui ne répondit qu’après quinze ans de patience. On est étonné de voir l’auteur de tant d’épigrammes licencieuses, où les ministres de la religion sont continuellement livrés à la risée et à l’opprobre, donner sérieusement, pour cause de sa haine contre Voltaire, sa contenance évaporée pendant la messe, et l'Épître à Uranie. Mais Rousseau avait pris le masque de la dévotion ; elle était alors un asile honorable pour ceux que l’opinion mondaine avait flétris, asile sûr et commode que malheureusement la philosophie, qui a fait tant d’autres maux, leur a fermé depuis sans retour.

En 1724, Voltaire donna Mariamme. C’était le su-