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RELATION DE LA MORT.


énormes qui, selon la théologie, appartiennent au genre de l’infidélité, les juges pourront punir même de mort.

1° Cette permission de tuer un homme n’en donne pas le droit, et un juge qui, autorisé par la loi à punir d’une moindre peine, prononce la peine de mort, est un assassin et un barbare.

2° C’est un principe de toutes les législations, qu’un délit doit être constaté : or, il n’est point constaté au procès qu’aucun des prétendus blasphèmes du chevalier de la Barre appartienne, suivant la théologie, au genre de l’infidélité. Il fallait une décision de la Sorbonne, puisqu’il est question dans l’édit de prononcer suivant la théologie, comme il faut un procès-verbal de médecins dans les circonstances où il faut prononcer suivant la médecine.

Quant au bris d’images, en supposant que le chevalier de la Barre en fût convaincu, il ne devait pas être puni de mort. Une seule loi prononce cette peine : c’est un édit de pacification donné par le chancelier de l’Hospital, sous Charles IX, et révoqué bientôt après. En jugeant de l’esprit de cette loi par les circonstances où elle a été faite, par l’esprit qui l’a dictée, par les intentions bien connues du magistrat humain et éclairé qui l’a rédigée, on voit que son unique but était de prévenir les querelles sanglantes que le zèle imprudent de quelque protestant aurait pu allumer entre son parti et celui des partisans de l’église romaine. La durée de cette loi devait-elle s’étendre au delà des troubles qui pouvaient en excuser la dureté et l’injustice ? C’est à peu près