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TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, ETC.

prie d'employer votre crédit pour empêcher mon adversaire de combattre mes raisons, ou bien, Je ne crois pas aux opinions que je professe, sont rigoureusement synonymes.

Que dirait-on d’un homme qui ne voudrait pas que son juge entendît les raisons de chaque partie ? Or, de quelque religion que vous soyez prêtres, quand il s’agit de vérité, vous n’êtes que parties. La raison, la conscience de chaque homme est votre juge. Quel droit auriez-vous de l’empêcher de s’instruire ? quel droit auriez-vous de l’empêcher d’instruire ses semblables ? Si notre croyance est susceptible de preuves, pourquoi craignez-vous qu’on l’examine ? Si elle ne l’est pas, si une grâce particulière d’un Dieu peut seule la persuader, pourquoi voulez-vous joindre une tyrannie humaine à cette force bienfaisante ?

Il existe en France un livre qui contient l’objection la plus terrible qu’on puisse faire contre la religion : c’est le tableau des revenus du clergé ; tableau trop bien connu, quoique les évêques aient refusé au roi de lui en donner un exemplaire. C’est là une de ces objections qui frappent le peuple comme le philosophe, et à laquelle il n’y a qu’une réponse : rendre à l’État ce que le clergé en a reçu, et rétablir la religion, en vivant comme on prétend qu’ont vécu ceux qui l’ont établie. Écouteriez-vous un professeur de physique qui serait payé pour enseigner un système, et qui perdrait sa fortune s’il en enseignait un autre ? Écouteriez-vous un homme qui prêche l’humilité en se faisant appeler monseigneur, et la pauvreté volontaire en accumulant les bénéfices ?