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TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, ETC.

fessent, doivent désirer la tolérance ; d’abord, pour avoir le droit d’être tolérés eux-mêmes dans les pays où leur religion ne domine pas ; ensuite pour que leur religion puisse subjuguer tous les esprits. Toutes les fois que les hommes ont la liberté de discuter, la vérité finit par triompher seule. Voyez comme depuis le peu de temps où il a été permis de parler raison sur la magie, cette erreur si générale et si ancienne a disparu presque absolument. Croyez-vous donc qu’il faille des bourreaux et des assassins pour dégoûter les hommes de croiir au dieu Fo, à Sainmonocodom, etc. ?

Tandis que la nature, la raison, la politique, la vraie piété prêchent la tolérance, quelques hommes voudraient bien persécuter : et si les gouvernements plus éclairés, plus humains, ne leur immolent plus de victimes, on leur abandonne les livres ; on défend, sous des peines graves, d’écrire avec liberté. Qu’en arrive-t-il ? On porte dans les livres clandestins la liberté jusqu’à la licence ; et si l’on avance, dans ces livres, des principes dangereux, aucun homme qui a de la morale ou de l’honneur ne veut les réfuter, pour peu que le nom de l’auteur soit soupçonné, et que sa personne puisse être compromise. Cette persécution sert donc seulement à ne laisser pour défenseurs à la cause de ceux qui les suscitent, que des hommes méprisés.

D’autres fois des corps très-respectables demandent piaulement qu’on empêche de laisser entrer dans un royaume les livres où l’on combat leurs opinions. Ils ignorent apparemment que ces deux phrases : Je vous