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TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, ETC.


elle. C’est là, dans toutes les constitutions politiques, la seule barrière solide qu’on puisse opposer à l’oppression arbitraire, à l’abus de la force.

La politique pourrait-elle avoir d’autres vues ? La force réelle, la richesse, et surtout la félicité d’un pays, ne dépendent-elles pas de la paix qui règne dans l’intérieur de ce pays ? Tous ces objets liés entre eux le sont avec la tolérance des opinions, et surtout des opinions religieuses, les seules qui puissent agiter le peuple.

La tolérance dans les grands États est nécessaire à la stabilité du gouvernement. En effet, le gouvernement, disposant de la force publique, n’a rien à craindre, tant que les particuliers qui chercheraient à le troubler ne pourront réunir assez d’hommes pour former une résistance capable de balancer cette force publique, ou tant qu’ils ne pourront enlever au gouvernement la force dont il dispose. Or, il est aisé de voir que les opinions religieuses, que l’intolérance oblige de se réunir en un plus petit nombre de classes, peuvent seules donner à des particuliers ce pouvoir dangereux. La tolérance, au contraire, ne peut produire aucun trouble, et enlève tout prétexte ; son effet nécessaire est de désunir les opinions : dans un pays partagé entre un grand nombre de sectes, aucune ne peut prétendre à dominer, et par conséquent toutes sont tranquilles.

Les partisans de l’intolérance politique ont dit, dans les pays protestants, qu’il ne fallait pas tolérer le papisme, parce qu’il tend à établir la puissance ecclésiastique sur les ruines de l’autorité du monarque ;