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TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, ETC.


contraire à la justice, et toute loi d’intolérance est une loi injuste.

A la vérité, il ne faut ici entendre par loi qu’une loi permanente, parce qu’il est possible que l’espèce de fièvre que cause le zèle religieux exige pour un temps, dans un certain pays, un autre régime que l’état de santé ; mais alors la sûreté et le repos de ceux que l’on prive de leurs droits sont le seul motif légitime que puissent avoir des lois de cette espèce.

L’intérêt général de l’humanité, ce premier objet de tous les cœurs vertueux, demande la liberté d’opinions, de conscience, de culte ; d’abord, parce qu’elle est le seul moyen d’établir entre les hommes une véritable fraternité ; car, puisqu’il est impossible de les réunir dans les mêmes opinions religieuses, il faut leur apprendre à regarder, à traiter comme leurs frères ceux qui ont des opinions contraires aux leurs. Cette liberté est encore le moyen le plus sûr de donner aux esprits toute l’activité que comporte la nature humaine, de parvenir à connaître la vérité sur tous ces objets, liés intimement avec la morale, et de la faire adopter à tous les esprits : or l’on ne peut nier que la connaissance de la vérité ne soit pour les hommes le premier des biens. En effet, il est impossible qu’il s’établisse dans un pays, ou qu’il y subsiste une loi permanente, contraire à ce que l’opinion générale des hommes qui ont reçu une éducation libérale regardera comme opposé ou aux droits des citoyens ou à l’intérêt général. Il est impossible qu’une vérité ainsi reconnue s’efface jamais de la mémoire, ou que l’erreur puisse l’emporter sur