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TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, ETC.

rance s’est établie sans trouble. A la vérité, les confédérés polonais mêlèrent quelques pratiques de dévotion au projet d’assassiner leur roi, et à leur alliance avec les Turcs ; mais cet abus de la religion est une preuve de plus de la nécessité d’être tolérant, si l’on veut être paisible.

Tout législateur qui professe une religion, qui connaît les droits de la conscience, doit être tolérant ; il doit sentir combien il est injuste et barbare de placer un homme entre le supplice et les actions qu’il regarde comme des crimes. Il voit que toutes les religions s’appuient sur des faits, sont établies sur le même genre de preuves, sur l’interprétation de certains livres, sur la même idée de l’insuffisance de la raison humaine ; que toutes ont été suivies par des hommes éclairés et vertueux ; que les opinions contradictoires ont été soutenues par des gens de bonne foi, qui avaient médité toute leur vie sur ces objets.

Comment se croira-t-il donc assez sûr de sa croyance pour traiter comme ennemis de Dieu ceux qui pensent autrement que lui ? Regardera- t-il le sentiment intérieur, qui le détermine, comme une preuve juridique qui lui donne des droits sur la vie ou sur la liberté de ceux qui ont d’autres opinions ? Comment ne sentirait-il pas que ceux qui professent une autre doctrine, ont contre lui un droit aussi légitime que celui qu’il exerce contre eux ?

Supposons maintenant un homme qui, n’ayant aucune religion, les regarde toutes comme des fables absurdes ; cet homme sera-t-il intolérant ? Non, sans doute. A la vérité, comme ses preuves sont d’un