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LA VOIX DU SAGE.


à secouer en philosophie le joug de l’autorité, ou refuse à un homme le droit de juger l’ouvrage d’un autre homme, pourvu qu’il ne se permette ni infidélité, ni déclamation injurieuse ; mais il est bien plus bizarre que ce soit à M. de Voltaire qu’on ne veuille point permettre d’examiner l'Esprit des Lois ; et l’on pourrait demander quels titres il faut donc posséder pour oser avoir une opinion sur cet ouvrage, si M. de Voltaire ne les a point. Ses critiques d’ailleurs sont presque toujours justes : M. de Voltaire n’eût pas sans doute critiqué l'Esprit des Lois, si les erreurs de Montesquieu pouvaient être indifférentes, si le juste respect qu’on a pour son génie ne les avait fait adopter en même temps que les vérités qui y sont unies, si son nom n’était point devenu l’appui de préjugés dangereux, qui peut-être sans lui n’auraient pas résisté si longtemps aux efforts de la raison ; si enfin ce n’était pas à ces erreurs mêmes qu’il doit, non l’estime des hommes éclairés, mais l’enthousiasme de la foule de ses admirateurs.

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LA VOIX DU SAGE.


Cet ouvrage parut en 1750, dans le temps où les ridicules querelles pour la Bulle menaçaient de troubler encore l’État, et où le clergé, propriétaire d’un cinquième des biens du royaume, refusait de porter une partie du fardeau des taxes sous lequel le reste de la nation i)graissait prêt à succomber, et protégé