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VIE DE VOLTAIRE.

Né avec un goût suret indépendant, il n’aurait pas voulu mêler l’amour à l’horreur du sujet d’Œdipe, et il osa même présenter sa pièce aux comédiens sans avoir payé ce tribut à l’usage ; mais elle ne fut pas reçue. L’assemblée trouva mauvais que l’auteur osât réclamer contre son goût. Ce jeune homme mériterait bien, disait Dufresne, qu'en punition de son orgueil, on jouât sa pièce avec cette grande vilaine scène traduite de Sophocle.

Il fallut céder, et imaginer un amour épisodique et froid. La pièce réussit ; mais ce fut malgré cet amour : et la scène de Sophocle en fit le succès. La Motte, alors le premier homme de la littérature, dit, dans son approbation, que cette tragédie promettait un digne successeur de Corneille et de Racine ; et cet hommage rendu par un rival dont la réputation était déjà faite, et qui pouvait craindre de se voir surpassé, doit à jamais honorer le caractère de la Motte.

Mais Voltaire, dénoncé, comme un homme de génie et comme un philosophe, à la foule des auteurs médiocres, et aux fanatiques de tous les partis, réunit dès lors les mêmes ennemis dont les générations, renouvelées pendant soixante ans, ont fatigué et trop souvent troublé sa longue et glorieuse carrière. Ces vers si célèbres,

Nos prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense ;
Notre crédulité fait toute leur science,


furent le premier cri d’une guerre que la mort même de Voltaire n’a pu éteindre.

A une représentation d'Œdipe, il parut sur le