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MÉLANGES HISTORIQUES.

que qui ne demande que la connaissance des auteurs et celle des langues ; mais on désirerait qu’il eût mis dans son ouvrage plus de cette autre critique plus rare et plus difficile, fondée sur une connaissance philosophique de la nature et des hommes. On pourrait lui reprocher aussi ce ton de supériorité qu’il n’était permis à personne de prendre à l’égard de l’auteur de Mahomet et d'Alzire, de l'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations : enfin lorsqu’on lit dans ce Supplément, que M. de Voltaire est une bête féroce qu’il faut chasser de toute société policée, il est bien difficile de ne point pardonner la gaieté avec laquelle cet illustre vieillard a répondu.

On attribue également les lettres de six Juifs à un savant académicien ; mais nous ne pouvons le croire. Elles sont trop éloignées de ce style poli, même dans la critique, qui distingue les académiciens delà capitale, surtout lorsque le grand nom de leur adversaire leur fait un devoir de ces égards. Ils savent trop qu’il n’est permis de s’en dispenser que lorsqu’on a le malheur d’être forcé de se défendre contre des hommes que l’intérêt même de la société oblige de dévouer au mépris public. Le temps des académiciens est d’ailleurs trop précieux, pour qu’ils puissent s’occuper pendant trois gros volumes de la petite nation juive. Comment, au milieu de tant de découvertes utiles dans les sciences et les arts, lorsque l’Europe entière est occupée des questions les plus importantes de la législation, du commerce, de la politique, un académicien pourrait-il arrêter si longtemps ses regards sur les crimes, les brigan-