Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/253

Cette page n’a pas encore été corrigée
239
LES TROIS EMPEREURS EN SORBONNE.


l'enrichir de temps en temps de quelques nouveaux articles de foi, dont les circonstances n’avaient point permis à notre Seigneur Jésus-Christ et aux saints apôtres de s’occuper.

Cette assertion parut aussi ridicule que scandaleuse ; et lorsqu’on vit que le mauvais français de la Sorbonne n’avait pas même le mérite de rendre exactement son mauvais latin, et qu’en se traduisant eux-mêmes, ces sages maîtres avaient fait des contre-sens, les ris redoublèrent.

On trouvera dans l’édition des Œuvres de Voltaire (de Gotha) plusieurs pièces en prose sur cette facétie téléologique. Il s’est plu à attaquer souvent l’opinion que tout infidèle est damné, quelles que soient ses vertus et l’innocence de sa vie. Ce n’est point là une opinion téléologique indifférente. Il importe au repos de l’humanité de persuadera tous les hommes qu’un Dieu, leur père commun, récompense la vertu, indépendamment de la croyance, et qu’il ne punit que les méchants.

Cette opinion de la nécessité de croire certains dogmes pour n’être point damné, et d’un supplice éternel réservé à ceux qui les ont niés ou même ignorés, est le premier fondement du fanatisme et de l’intolérance. Tout non conformiste devient un ennemi de Dieu et de notre salut. Il est raisonnable, presque humain, de brûler un hérétique et d’ajouter quelques heures de plus à un supplice éternel, plutôt que de s’exposer, soi et sa famille, à être précipités par les séductions de cet impie dans les bûchers éternels.