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LE MONDAIN.


qui se borne à prétendre que les commodités de la vie sont une bonne chose, cela est vrai, pourvu qu’on soit sûr de les conserver, et qu’on n’en jouisse point aux dépens d’autrui.

Il n’est pas moins vrai que la frugalité, qu’on a prise pour une vertu, n’a été souvent que l’effet du défaut d’industrie, ou d’indifférence pour les douceurs de la vie, que les brigands des forêts de la Tartarie poussent au moins aussi loin que les Stoïciens.

Les conseils que donne Mentor à Idoménée, quoique inspirés par un sentiment vertueux, ne seraient guère praticables, surtout dans une grande société ; et il faut avouer que cette division des citoyens en classes, distinguées entre elles par les habits, n’est d’une politique ni bien profonde ni bien solide.

Les progrès de l’industrie, il faut en convenir, ont contribué, sinon au bonheur, du moins au bienêtre des hommes ; et l’opinion que le siècle où a vécu M. de Voltaire valait mieux que ceux qu’on regrette tant, n’est point particulière à cet illustre philosophe ; elle est celle de beaucoup d’hommes très-éclairés.

Ainsi, en ayant égard à l’espèce d’exagération que permet la poésie, surtout dans un ouvrage de plaisanterie, ces pièces ne méritent aucun reproche grave ; et moins qu’aucun autre, celui de dureté ou de personnalité que leur a fait J. J. Rousseau : car c’est précisément parce que le commerce, l’industrie, le luxe lient entre eux les nations et les états de la société, adoucissent les hommes, et font aimer