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VIE DE VOLTAIRE.


gua les satires à la mémoire de Louis le Grand, comme on lui avait prodigué les panégyriques pendant sa vie. Voltaire, accusé d’avoir fait une de ces satires, fut mis à la Bastille ; elle finissait par ces vers :

J’ai vu ces maux, et je n’ai pas vingt ans.


Il en avait un peu plus de vingt-deux, et la police regarda cette espèce de conformité d’âge comme une preuve suffisante pour le priver de sa liberté.

C’est à la Bastille que le jeune poète ébaucha le Poëme de la Ligne, corrigea sa tragédie d’Œdipe, commencée longtemps auparavant, et fit une pièce de vers fort gaie sur le malheur d’y être. M. le duc d’Orléans, instruit de son innocence, lui rendit sa liberté, et lui accorda une gratification.

Monseigneur, lui dit Voltaire, je remercie votre Altesse royale de vouloir bien continuer à se charger de ma nourriture ; mais je la prie de ne plus se charger de mon logement.

La tragédie d'Œdipe fut jouée en 1718. L’auteur n’était encore connu que par des pièces fugitives, par quelques épîtres où l’on trouve la philosophie de Chaulieu, avec plus d’esprit et de correction, et par une ode qui avait disputé vainement le prix de l’Académie française. On lui avait préféré une pièce ridicule de l’abbé du Jarri. Il s’agissait de la décoration de l’autel de Notre-Dame ; car Louis XIV s’était souvenu, après soixante et dix ans de règne, d’accomplir cette promesse de Louis XIII ; et le premier ouvrage en vers sérieux que Voltaire ait publié fut un ouvrage de dévotion.