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LE MONDAIN.

nir la valetaille, des moines ou des bêtes fauves.

La corruption des mœurs naît de l’inégalité d’état ou de fortune, et non pas du luxe ; elle n’existe que parce qu’un individu de l’espèce humaine en peut acheter ou soumettre un autre.

Il est vrai que le luxe le plus innocent, celui qui consiste à jouir des délices de la vie, amollit les âmes, et, en leur rendant une grande fortune nécessaire, les dispose à la corruption ; mais en même temps il les adoucit. Une grande inégalité de fortune, dans un pays où les délices sont inconnues, produit des complots, des troubles, et tous les crimes si fréquents dans les siècles de barbarie. Il n’est donc qu’un moyen sûr d’attaquer le luxe : c’est de détruire l’inégalité des fortunes par les lois sages qui l’auraient empêché de nuire. Alors le luxe diminuera sans que l’industrie y perde rien ; les mœurs seront moins corrompues ; les âmes pourront être fortes sans être féroces.

Les philosophes qui ont regardé le luxe comme la source des maux de l’humanité, ont donc pris l’effet pour la cause ; et ceux qui ont fait l’apologie du luxe, en le regardant comme la source de la richesse réelle d’un État, ont pris pour un bon régime de santé, un remède qui ne fait que diminuer les ravages d’une maladie funeste.

C’est ici toute l’erreur qu’on peut reprocher à M. de Voltaire ; erreur qu’il partageait avec les hommes les plus éclairés sur la politique, qu’il y eût en France, quand il composa cette satire.

Quant à ce qu’il dit dans la première pièce, et