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LA GUERRE CIVILE DE GENÈVE.


LA GUERRE CIVILE DE GENÈVE,
OU
LES AMOURS DE ROBERT COVELLE.


On a fait un crime à M. de Voltaire d’avoir publié ce poëme. Nous ne doutons point que les chantres de la Sainte-Chapelle n’aient aussi trouvé Boileau un homme bien abominable.

M. de Voltaire avait acheté fort cher une petite maison auprès de Genève, et il avait été forcé de la vendre à perte. Malgré la défense d’appeler son frère Raca quelques vénérables maîtres lui avaient dit de grosses injures. Cependant le produit de ses ouvrages, dont il ne tirait rien pour lui-même, avait enrichi une des familles patriciennes de la république. Son séjour avait rendu à la ville de Genève, en Europe, la célébrité que deux siècles auparavant le Picard Jehan Chauvin lui avait donnée, et qu’elle avait perdue depuis que la théologie avait passé de mode, il avait donné de plus la comédie gratis aux dames genevoises, et avait formé plusieurs citoyens dans l’art de la déclamation. Les exécutions de Servet, d’Antoine et Michel Chaudron avaient été jusqu’alors les seuls spectacles permis par le consistoire : l’ingratitude ne pouvait donc être de son côté.

D’ailleurs, ce poëme n’a d’autre objet que de prêcher la concorde aux deux partis ; et ce qui prouve que M. de Voltaire avait raison, c’est que, bientôt après, la lassitude des troubles amena une espèce de paix.