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VIE DE VOLTAIRE.

Cependant son père, le voyant toujours obstiné à faire des vers et à vivre dans le monde, l’avait exclu de sa maison. Les lettres les plus soumises ne le touchaient point : il lui demandait même la permission de passer en Amérique, pourvu qu’avant son départ il lui permît d’embrasser ses genoux. Il fallut se résoudre, non à partir pour l’Amérique, mais à entrer chez un procureur.

Il n’y resta pas longtemps. M. de Caumartin, ami de M. Arouet, fut touché du sort de son fils, et demanda la permission de le mener à Saint-Ange, où, loin de ces sociétés alarmantes pour la tendresse paternelle, il devait réfléchir sur le choix d’un état. Il y trouva le vieux Caumartin, vieillard respectable, passionné pour Henri IV et pour Sully, alors trop oubliés de la nation. Il avait été lié avec les hommes les plus instruits du règne de Louis XIV, savait les anecdotes les plus secrètes, les savait telles qu’elles s’étaient passées, et se plaisait à les raconter. Voltaire revint de Saint-Ange, occupé de faire un poëme épique dont Henri IV serait le héros, et plein d’ardeur pour l’étude de l’histoire de France. C’est à ce voyage que nous devons la Henriade et le Siècle de Louis XIV.

Ce prince venait de mourir. Le peuple, dont il avait été si longtemps l’idole, ce même peuple qui lui avait pardonné ses profusions, ses guerres et son despotisme, qui avait applaudi à ses persécutions contre les protestants, insultait à sa mémoire par une joie indécente. Une bulle sollicitée à Rome contre un livre de dévotion, avait fait oublier aux Parisiens cette gloire dont ils avaient été si longtemps idolâtres. On prodi-