trompe ses douleurs par des opinions générales,
comme chaque homme peut adoucir ses chagrins
par des illusions particulières : tel se console de
mourir, parce qu’il ne laisse au monde que des mourants ;
tel autre, parce que sa mort est une suite
nécessaire de l’ordre de l’univers ; un troisième,
parce qu’elle fait partie d’un arrangement où tout
est bien ; un autre enfin, parce qu’il se réunira à
l’âme universelle du monde. Des hommes d’une autre
classe se consoleront en songeant qu’ils vont entendre
la musique des esprits bienheureux, se promener
en causant dans de beaux jardins, caresser
des houris, boire la bière céleste, voir Dieu face à
face, etc., etc. ; mais il serait ridicule d’établir sur
aucune de ces opinions le bonheur général de l’espèce
humaine.
N’est-il pas plus raisonnable à la fois et plus utile de se dire : La nature a condamné les hommes à des maux cruels, et ceux qu’ils se font à eux-mêmes sont encore son ouvrage, puisque c’est d’elle qu’ils tiennent leurs penchants ? Quelle est la raison première de ces maux ? je l’ignore ; mais la nature m’a donné le pouvoir de détourner une partie des malheurs auxquels elle m’a soumis. L’homme doué de raison peut se flatter, par ses progrès dans les sciences et dans la législation, de s’assurer une vie douce et une mort facile, de terminer un jour tranquille par un sommeil paisible. Travaillons sans cesse à ce but, pour nous-mêmes comme pour les autres : la nature nous a donné des besoins, mais nous trouvons avec les arts les moyens de les satisfaire. Nous oppo-