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SUR LA LOI NATURELLE.


nion qu’il peut exister une puissance spirituelle indépendante de la puissance civile, sont des conséquences nécessaires de ce premier principe, conséquences que M. de Voltaire développe dans les deux dernières parties. En effet, s’il existe une morale indépendante de toute opinion spéculative, ces opinions deviennent indifférentes au bonheur des hommes, et dès lors cessent de pouvoir être l’objet de la législation. Ce n’est pas pour être instruits sur la métaphysique, mais pour s’assurer le libre exercice de leurs droits, que les hommes se sont réunis en société, et le droit de penser ce qu’on veut et de faire tout ce qui n’est pas contraire au droit d’autrui, est aussi réel, aussi sacré que le droit de propriété.

Dans le poème sur le désastre de Lisbonne, M. de Voltaire attaque l’opinion que tout est bien, opinion très-répandue au commencement de ce siècle parmi les philosophes d’Angleterre et d’Allemagne. La question de l’origine du mal a été insoluble jusqu’ici, elle sera toujours. En effet, le mal, tel qu’il existe à notre égard, est une suite nécessaire de l’ordre du monde ; mais, pour savoir si un autre ordre était possible, il faudrait connaître le système entier de celui qui existe. D’ailleurs, en réfléchissant sur la manière dont nous acquérons nos idées, il est aisé de voir que nous ne pouvons en avoir aucune de la possibilité prise en général, puisque notre idée de possibilité, relative à des objets réels, ne se forme que d’après l’observation des faits existants.

M. Rousseau a publié une lettre adressée à M. de Voltaire, à l’occasion du poëme sur la destruction de