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LA PUCELLE D’ORLÉANS.


dans une vie voluptueuse el douce, que dans une vie occupée d’intrigues, d’ambition, d’avidité ou d’hypocrisie.

Cette espèce d’exagération, qui naît de l’enthousiasme, est nécessaire dans la poésie. Viendra-t-il un temps où l’on ne parlera que le langage exact et sévère de la raison ? Mais ce temps est bien éloigné de nous ; car il faudrait que tous les hommes pussent entendre ce langage. Pourquoi donc ne serait-il point permis d’en emprunter un autre pour parler à ceux qui n’entendent point celui-ci ?

D’ailleurs, ce mélange de dévotion, de libertinage et de férocité guerrière, peint dans la Pucelle, est l’image naïve des mœurs du temps.

Voilà, à ce qu’il nous semble, dans quel esprit les hommes sévères doivent lire la Pucelle, et nous espérons qu’ils seront moins prompts à la condamner.

Enfin, ce poème n’eût-il servi qu’à empêcher un seul libertin de devenir superstitieux et intolérant dans sa vieillesse, il aurait fait plus de bien que toutes les plaisanteries ne feront jamais de mal. Lorsqu’en jetant un coup d’œil attentif sur le genre humain, on voit les droits des hommes, les devoirs sacrés de l’humanité, attaqués et violés impunément, l’esprit humain abruti par l’erreur, la rage du fanatisme, et celle des conquêtes ou des rapines agiter sourdement tant d’hommes puissants, les fureurs de l’ambition et de l’avarice exerçant partout leurs ravages avec impunité, et qu’on entend un prédicateur tonner contre les cireurs de la volupté, il semble voir un