lité de l’auteur de Zaïre et de Tancrède. Un jeune homme passionné sent vivement, mais ne distingue pas lui-même les nuances des sentiments qu’il éprouve : il ne sait ni choisir les traits courts et rapides qui caractérisent la passion, ni trouver des
termes qui peignent à l’imagination des autres le
sentiment qu’il éprouve, et le fassent passer dans
leur âme. Exagéré ou commun, il paraît froid lorsqu’il
est dévoré de l’amour le plus vrai et le plus
ardent. Le talent de peindre les passions sur le
théâtre est même un des derniers qui se développent
dans les poètes. Racine n’en avait pas même montré
le germe dans les Frères ennemis et dans
Alexandre et Brutus a précédé Zaïre : c’est que pour peindre les passions, il faut non-seulement les avoir éprouvées, mais avoir pu les observer, en juger les mouvements et les effets dans un temps où, cessant de
dominer notre âme, elles n’existent plus que dans
nos souvenirs. Pour les sentir, il suffit d’avoir un
cœur ; il faut, pour les exprimer avec justesse, une
âme longtemps exercée par elles, et perfectionnée
par la réflexion.
Arrivé à Paris, le jeune homme oublia bientôt son amour ; mais il n’oublia point de faire tous ses efforts pour enlever une jeune personne estimable, et née pour la vertu, à une mère intrigante et corrompue. Il employa le zèle du prosélytisme. Plusieurs évêques, et même des jésuites, s’unirent à lui. Ce projet manqua ; mais Voltaire eut dans la suite le bonheur d’être utile à mademoiselle du Noyer, alors mariée au baron de Vinterfeld.