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LA PUCELLE D’ORLÉANS.


sans être des crimes, avilissent ceux qui les commettent ; 2° les ouvrages où l’on détaille certains raffinements de débauche, certaines bizarreries des imaginations libertines.

Ces ouvrages peuvent être pernicieux, parce qu’il est à craindre qu’ils ne rendent les jeunes gens qui les lisent avec avidité, insensibles aux plaisirs honnêtes, à la douce et pure volupté qui naît de la nature.

Or, il n’y a rien dans la Pucelle qui puisse mériter aucun de ces reproches. Les peintures voluptueuses des amours d’'Agnès et de Dorothée peuvent amuser l’imagination et non la corrompre. Les plaisanteries plus libres dont l’ouvrage est semé, ne sont ni l’apologie des actions qu’elles peignent, ni une peinture de ces actions, propre à égarer l’imagination.

Ce poëme est un ouvrage destiné à donner des leçons de raison et de sagesse, sous le voile de la volupté et de la folie. L’auteur peut y avoir blessé c[quelquefois le goût, et non la morale.

Nous ne prétendons pas donner ce poëme pour un catéchisme ; mais il est du même genre que ces chansons épicuriennes, ces couplets de table, où l’on célèbre l’insouciance dans la conduite, les plaisirs d’une vie voluptueuse, et la douceur d’une société libre, animée par la gaieté d’un repas. A-t-on jamais accusé les auteurs de ces chansons de vouloir établir qu’il fallait négliger tous ses devoirs, passer sa vie dans les bras d’une femme ou autour d’une table ? Non, sans doute : ils ont voulu dire seulement qu’il y avait plus de raison, d’innocence et de bonheur