Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/224

Cette page n’a pas encore été corrigée
210
LE BARON D'OTRANTE.

palement de la nouveauté de ce genre d’opéra comique, où l’un des principaux rôles était en italien, et tous les autres en français ; mais, si l’on a vu longtemps sur le même théâtre, dans des comédies, un principal personnage parler français, et tous les autres lui répondre en italien, pourquoi l’inverse n’aurait-il pas réussi dans un opéra comique, rempli d’ailleurs de gaieté et de philosophie ?

Quoi qu’il en soit, le jeune auteur reconnut son insuffisance, et ne jugea pas à propos de se déplacer. Il aima mieux renoncer à une gloire qu’il désespérait d’obtenir. Cet événement empêcha M. Grétry de mettre la pièce en musique, et l’auteur de la Henriade et de Mahomet de faire des opéras comiques. Il s’en tint à ses premiers essais, le Baron d’Otrante et les Deux Tonneaux.

Il est assez remarquable que M. de Voltaire donnât le premier un opéra à M. Grétry ; comme il avait, le premier, vers 1730, donné une tragédie lyrique [1] à Rameau, avant que ces deux grands musiciens se fussent encore exercés dans les genres où ils ont excellé. Le grand poëte découvrit leur génie et pressentit leurs succès. Si les encouragements qu’il leur donna ont pu les déterminer à embrasser la carrière dramatique, on lui serait en partie redevable des chefs-d’œuvre dont ils ont enrichi la scène, et des progrès qu’ils ont fait faire à l’art musical. Quel homme grave, à ce prix, ne pardonnera à M. de Voltaire d’avoir fait des opéras comiques ?

  1. Samson.
    Séparateur