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LES GUÈBRES.

ainsi qu’en jugèrent des hommes d’État, élevés à des postes considérables ; et c’est dans cette vue qu’elle fut approuvée à Paris.

Mais on conseilla à l’auteur de ne la point exposer au théâtre, et de la réserver seulement pour le petit nombre de gens de lettres qui lisent encore ces ouvrages. On attendait alors avec impatience plusieurs tragédies plus théâtrales et plus dignes des regards du public, soit de M. du Belloy, soit de M. le Mierre, ou de quelques autres auteurs célèbres. L’auteur de la Tolérance n’osa ni ne voulut entrer en concurrence avec des talents qu’il sentait supérieurs aux siens. Il aima mieux avoir droit à leur indulgence que de lutter vainement contre eux ; et il supprima même son ouvrage, que nous présentons aujourd’hui aux gens de lettres ; car c’est leur suffrage qu’il faut principalement ambitionner dans tous les genres. Ce sont eux qui dirigent à la longue le jugement et le goût du public. Nous n’entendons pas seulement, par gens de lettres, les auteurs, mais les amateurs éclairés qui ont fait une étude approfondie de la littérature, qui vitam excoluere per artes ; ce sont eux que le grand Virgile place dans les champs Élysées parmi les ombres heureuses, parce que la culture des arts rend toujours les âmes plus honnêtes et plus pures.

Enfin, nous avons cru que le fond des choses qui sont traitées dans ce drame pourrait ranimer un peu le goût de la poésie, que l’esprit de dissertation et de paradoxe commence à éteindre en France, malgré les heureux efforts de plusieurs jeunes gens remplis de grands talents qu’on n’a peut-être pas assez encouragés.