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CATILINA.


de la passion dans un rôle d’amant, de père ou d’ami ; mais comment un acteur, qui n’a point reçu une éducation soignée, qui ne s’est point occupé des grands objets qui ont animé les personnages qu’il va représenter, trouvera-t-il le ton, l’action, les accents qui conviennent à Cicéron et à César ?

Rome sauvée fut représentée à Paris, sur un théâtre particulier. M. de Voltaire y joua le rôle de Cicéron. Jamais, dans aucun rôle, aucun acteur n’a porté si loin l’illusion. On croyait voir le consul. Ce n’étaient pas des vers récités de mémoire qu’on entendait, mais un discours sortant de l’âme de l’orateur. Ceux qui ont assisté à ce spectacle, il y a plus de trente ans, se souviennent encore du moment où l’auteur de Rome sauvée s’écriait :


Romains, j’aime la gloire, et ne veux point m’en taire,


avec une vérité si frappante, qu’on ne savait si ce noble aveu venait d’échapper à l’âme de Cicéron ou à celle de Voltaire.

Avant lui, la Mort de Pompée était le seul modèle des pièces de ce genre qu’il y eût dans notre langue, on peut dire même dans aucune langue. Ce n’est pas que le Jules-César de Shakspeare, ses pièces tirées de l’histoire d’Angleterre, ainsi que quelques tragédies espagnoles, ne soient des drames historiques ; mais de telles pièces, où il n’y a ni unité, ni raison, où tous les tons sont mêlés, où l’histoire est conservée jusqu’à la minutie, et les mœurs altérées jusqu’au ridicule ; de telles pièces