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ZULIME.


dignes de la tragédie, lui appartient tout entier. A la vérité, ces rôles ne sont point d’un grand effet au théâtre, à moins qu’ils ne soient joués par une actrice dont la figure et la voix soient dignes des vers de Racine : mais ils feront toujours les délices des âmes tendres et des hommes sensibles aux charmes de la belle poésie.

M. de Voltaire admirait le rôle d’Acomat. Ce rôle et celui de Burrhus sont encore de ces beautés dont Racine n’avait point eu de modèles. En travaillant le même sujet que Racine et Corneille, M. de Voltaire voulut que, ni l’amante abandonnée, ni le héros, ni l’amante préférée ne fussent avilis. C’est d’après celte idée que toute sa pièce a été combinée.

La fuite de Zulime, sa révolte contre son père sont des crimes ; mais il n’y a, dans ces crimes, ni trahison, ni cruauté. Hermione, Roxane, Phèdre intéressent par leurs malheurs, et surtout par l’excès de leur passion ; mais les crimes qu’elles commettent ne sont pas de ces actions où la passion peut conduire des âmes vertueuses. Les emportements de Zulime, au contraire, sont ceux d’une âme entraînée par son amour, mais née pour la vertu, que les passions ont pu égarer, mais qu’elles n’ont pu corrompre. Ce rôle est encore le seul rôle de femme de ce genre, qu’il y ait dans nos tragédies ; et M. de Voltaire est le premier qui ait marqué sur le théâtre la différence des fureurs de la passion aux véritables crimes.

On peut reprocher aux trois pièces un même défaut, celui de ne laisser au spectateur l’idée d’aucun