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ADÉLAIDE DU GUESCLIN.


l'avais ajustée, comme j’avais pu, au théâtre, sous des noms supposés. Elle fut sifflée dès le premier acte ; les sifflets redoublèrent au second, quand on vit arriver le duc de Nemours blessé et le bras en écharpe ; ce fut bien pis, lorsqu’on entendit, au cinquième, le signal que le duc de Vendôme avait ordonné, et lorsqu’à la fin le duc de Vendôme disait : Es-tu content, Coucy ? plusieurs bons plaisants crièrent : Coussi-coussi.

« Vous jugez bien que je ne m’obstinai pas contre cette belle réception. Je donnai, quelques années après, la même tragédie sous le nom du Duc de Foix ; mais je l’affaiblis beaucoup, par respect pour le ridicule. Cette pièce, devenue plus mauvaise, réussit assez, et j’oubliai entièrement celle qui valait mieux.

« Il restait une copie de cette Adélaïde entre les mains des acteurs de Paris ; ils ont ressuscité, sans m’en rien dire, cette défunte tragédie ; ils l’ont représentée telle qu’ils l’avaient donnée en 1734, sans y changer un seul mot, et elle a été accueillie avec beaucoup d’applaudissements. Les endroits qui avaient été le plus siffles, ont été ceux qui ont excité le plus de battements de mains.

« Vous me demanderez auquel des deux jugements je me tiens. Je vous répondrai ce que dit un avocat vénitien aux sérénissimes sénateurs devant lesquels il plaidait : Il mese passato, disait-il, le vostre eeccllenze hanno judiciito cosi, e questo mese, nellu medesima causa, hanno judicato tutto ’l contrario, e sempre ben. Vos excellences, le mois passé, jugèrent de