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ADÉLAÏDE DU GUESCLIN.

« On a transporté cet événement dans d’autres temps et dans d’autres pays, pour des raisons particulières.

En 1765, on a donné cette pièce sous son véritable titre ; elle eut le plus grand succès ; et c’est une des pièces de M. de Voltaire qui font le plus d’effet au théâtre. Lorsqu’elle parut, en 1734, il venait de publier le Temple du Goût : on ne voulut point souffrir qu’il donnât à la fois des leçons et des exemples. En 1765, on ne fut que juste. Nous joignons ici le fragment d’une lettre que M. de Voltaire écrivit alors à un de ses amis, à Paris.

« Quand vous m’apprîtes, Monsieur, qu’on jouait à Paris une Adélaïde du Guesclin avec quelque succès, j’étais très-loin d’imaginer que ce fut la mienne ; et il importe fort peu au public que ce soit la mienne ou celle d’un autre. Vous savez ce que j’entends par le public. Ce n’est pas l’Univers, comme nous autres barbouilleurs de papier l’avons dit quelquefois. Le public, en fait de livres, est composé de quarante ou cinquante personnes, si le livre est sérieux ; de quatre ou cinq cents, lorsqu’il est plaisant ; et d’environ onze ou douze cents, s’il s’agit d’une pièce de théâtre. Il y a toujours dans Paris plus de cinq cent mille âmes qui n’entendent jamais parler de tout cela.

« Il y avait plus de trente ans que j’avais hasardé, devant ce public, une Adélaïde du Guesclin, escortée d’un duc de Vendôme et d’un duc de Nemours qui n’existèrent jamais dans l’histoire. Le fond de la pièce était tiré des Annales de Bretagne, et je