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VIE DE VOLTAIRE.

Le jeune Arouet fut mis au collège des jésuites, où étaient élevés les enfants de la première noblesse, excepté ceux des jansénistes ; et les jansénistes, odieux à la cour, étaient rares parmi des hommes qui, alors obligés, par l’usage, de choisir une religion sans la connaître, adoptaient naturellement la plus utile à leurs intérêts temporels. Il eut pour professeurs de rhétorique le père Porée, qui, étant à la fois homme d’esprit et un bon homme, voyait dans le jeune Arouet le germe d’un grand homme ; et le père le Jay, qui, frappé de la hardiesse de ses idées et de l’indépendance de ses opinions, lui prédisait qu’il serait en France le coryphée du déisme : prophéties que l’événement a également justifiées.

Au sortir du collège, il retrouva dans la maison paternelle l’abbé de Châteauneuf, son parrain, ancien ami de sa mère. C’était un de ces hommes qui, s’étant engagés dans l’état ecclésiastique par complaisance, ou par un mouvement d’ambition étrangère à leur âme, sacrifient ensuite à l’amour d’une vie libre la fortune et la considération des dignités sacerdotales, ne pouvant se résoudre à garder toujours sur leur visage le masque de l’hypocrisie.

L’abbé de Châteauneuf était lié avec Ninon, à laquelle sa probité, son esprit, sa liberté de penser, avaient fait pardonner depuis longtemps les aventures un peu trop éclatantes de sa jeunesse. La bonne compagnie lui avait su gré d’avoir refusé son ancienne amie, madame de Maintenon, qui lui avait offert de l’appeler à la cour, à condition qu’elle se ferait dévote. L’abbé de Châteauneuf avait présenté