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VIE DE VOLTAIRE.


objections qu’on oppose à cette opinion. Il croyait voir dans la nature un ordre régulier, mais sans s’aveugler sur des irrégularités frappantes qu’il ne pouvait expliquer.

Il était persuadé, quoiqu’il fut encore éloigné de cette certitude absolue devant laquelle se taisent toutes les difficultés ; et l’ouvrage intitulé : Il faut prendre un parti, ou le principe d’action [1], renferme peut-être les preuves les plus fortes de l’existence d’un Être suprême, qu’il ait été possible jusqu’ici aux hommes de rassembler.

Il croyait à la liberté dans le sens où un homme raisonnable peut y croire, c’est-à-dire, qu’il croyait au pouvoir de résister à nos penchants, et de peser les motifs de nos actions.

Il resta dans une incertitude presque absolue sur la spiritualité, et même sur la permanence de l’âme après le corps ; mais comme il croyait cette dernière opinion utile, de même que celle de l’existence de Dieu, il s’est permis rarement de montrer ses doutes, et a presque toujours plus insisté sur les preuves que sur les objections.

Tel fut Voltaire dans sa philosophie, et l’on trouvera peut-être, en lisant sa vie, qu’il a été plus admiré que connu ; que, malgré le fiel répandu dans quelques-uns de ses ouvrages polémiques, le sentiment d’une bonté active le dominait toujours ; qu’il aimait les malheureux plus qu’il ne haïssait ses ennemis ; que l’amour de la gloire ne fut jamais en lui qu’une

  1. Philosophie, tome Ier