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VIE DE VOLTAIRE.


seul préjugé de sa jeunesse qu’il ait conservé. Il y a bien peu d’hommes qui puissent se flatter de les avoir secoués tous. On l’accuse d’avoir cru qu’il suffisait au bonheur d’un peuple d’avoir des artistes célèbres, des orateurs et des poëtes : jamais il n’a pu le penser. Mais il croyait que les arts et les lettres adoucissent les mœurs, préparent à la raison une route plus facile et plus sûre ; il pensait que le goût des arts et des lettres dans ceux qui gouvernent, en amollissant leur cœur, leur épargne souvent des actes de violence et des crimes, et que, dans des circonstances semblables, le peuple le plus ingénieux et le plus poli sera toujours le moins malheureux.

Ses pieux ennemis l’ont accusé d’avoir attaqué, de mauvaise foi, la religion de son pays, et de porter l’incrédulité jusqu’à l’athéisme : ces deux inculpations sont également fausses. Dans une foule d’objection fondées sur des faits, sur des passages tirés de livres regardés comme inspirés par Dieu même, à peine a-t-on pu lui reprocher, avec justice, un petit nombre d’erreurs qu’on ne pouvait imputer à la mauvaise foi, puisqu’en les comparant au nombre des citations justes, des faits rapportés avec exactitude, rien n’était plus inutile à sa cause. Dans sa dispute avec ses adversaires, il a toujours dit : On ne doit croire que ce qui est prouvé, on doit rejeter ce qui blesse la raison, ce qui manque de vraisemblance ; et ils lui ont toujours répondu : On doit adopter et adorer tout ce qui n’est pas démontré impossible.

Il a paru constamment persuadé de l’existence d’un Être suprême, sans se dissimuler la force des