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VIE DE VOLTAIRE.


maintenir le crédit des prêtres, l’Europe serait encore superstitieuse, et resterait longtemps esclave ; qu’ils ne sentent pas que, dans les écrits, comme dans la conduite, il ne faut déployer que le courage qui peut être utile : peu importe à la gloire de Voltaire. C’est par les hommes éclairés qu’il doit être jugé, par ceux qui savent distinguer, dans une suite d’ouvrages différents, par leur forme, par leur style, par leurs principes même, le plan secret d’un philosophe qui fait aux préjugés une guerre courageuse, mais adroite ; plus occupé de les vaincre que de montrer son génie, trop grand pour tirer vanité de ses opinions, trop ami des hommes pour ne pas mettre sa première gloire à leur être utile.

Voltaire a été accusé d’aimer trop le gouvernement d’un seul, et cette accusation ne peut en imposer qu’à ceux qui n’ont pas lu ses ouvrages. Il est vrai qu’il haïssait davantage le despotisme aristocratique qui joint l’austérité à l’hypocrisie, et une tyrannie plus dure à une morale plus perverse ; il est vrai qu’il n’a jamais été la dupe des corps de magistrature de France, des nobles suédois et polonais qui appelaient liberté le joug sous lequel ils voulaient écraser le peuple : et cette opinion de Voltaire a été celle de tous les philosophes qui ont cherché la définition d’un État libre dans leur cœur et dans leur raison, et non, comme le pédant Mably, dans les exemples des anarchies tyranniques de l’Italie et de la Grèce.

On l’accuse d’avoir trop loué le faste de la cour de Louis XIV : cette accusation est fondée. C’est le