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VIE DE VOLTAIRE.


la morale une base plus solide en l’unissant à des croyances religieuses, la corrompent et la détruisent, et cherchent, non à rendre les hommes vertueux, mais à en faire les instruments aveugles de leur ambition et de leur avarice ; et si on lui demande ce qui remplacera les préjugés qu’il a détruits, il répondra : Je vous ai délivrés d’une bête féroce qui vous dévorait, et vous demandez ce que je mets à la place [1].

Et si on lui reproche de revenir trop souvent sur les mêmes objets, d’attaquer avec acharnement des erreurs trop méprisables, il répondra qu’elles sont dangereuses tant que le peuple n’est pas désabusé, et que s’il est moins glorieux de combattre les erreurs populaires, que d’enseigner aux sages des vérités nouvelles, il faut, lorsqu’il s’agit de briser les fers de la raison, d’ouvrir un chemin libre à la vérité, savoir préférer l’utilité à la gloire.

Au lieu de montrer que la superstition est l’appui du despotisme, s’il écrit pour des peuples soumis à un gouvernement arbitraire, il prouvera qu’elle est l’ennemie des rois ; et entre ces deux vérités, il insistera sur celle qui peut servir la cause de l’humanité, et non sur celle qui peut y nuire, parce qu’elle peut être mal entendue.

Au lieu de déclarer la guerre au despotisme, avant que la raison ait rassemblé assez de force, et d’appeler à la liberté des peuples qui ne savent encore ni la connaître, ni l’aimer, il dénoncera aux nations

  1. Examen important, etc.