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VIE DE VOLTAIRE.


qui consolent, qui conduisent à la raison, qui sont à la portée de tous les hommes, qui conviennent à tous les âges de l'humanité, et dont l’hypocrisie même fait encore quelque bien. Il faut surtout les préférer à ces vertus austères qui, dans les âmes ordinaires, ne subsistent guère sans un mélange de dureté, dont l’hypocrisie est à la fois si facile et si dangereuse ; qui souvent effrayent des tyrans, mais qui rarement consolent les hommes, dont enfin la nécessité prouve le malheur des nations de qui elles embellissent l’histoire.

C’est en éclairant les hommes, c’est en les adoucissant qu’on peut espérer de les conduire à la liberté par un chemin sûr et facile. Mais on ne peut espérer, ni de répandre les lumières, ni d’adoucir les mœurs, si des guerres fréquentes accoutument à verser le sang sans remords, et à mépriser la gloire des talents paisibles ; si, toujours occupés d’opprimer ou de se défendre, les hommes mesurent leur vertu par le mal qu’ils ont pu faire, et font de l’art de détruire le premier des arts utiles.

Plus les hommes seront éclairés, plus ils seront libres [1], et il leur en coûtera moins pour y parvenir. Mais n’avertissons point les oppresseurs de former une ligue contre la raison, cachons-leur l’étroite et nécessaire union des lumières et de la liberté, ne leur apprenons point d’avance qu’un peuple sans préjugés est bientôt un peuple libre.

Tous les gouvernements, si on en excepte les théo-

  1. Questions sur les miracles.