Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/187

Cette page n’a pas encore été corrigée
173
VIE DE VOLTAIRE.


médie sont les seuls où il n’ait pas mérité d’être placé au premier rang. Il ne réussit point dans la comédie, parce qu’il avait, comme on l’a déjà remarqué, le talent de saisir le ridicule des opinions, et non celui des caractères, qui, pouvant être mis en action, est seul propre à la comédie. Ce n’est pas que dans un pays où la raison humaine serait affranchie de toutes ses lisières, où la philosophie serait populaire, on ne pût mettre avec succès sur le théâtre des opinions à la fois dangereuses et absurdes ; mais ce genre de liberté n’existe encore pour aucun peuple.

La poésie lui doit la liberté de pouvoir s’exercer dans un champ plus vaste ; et il a montré comment elle peut s’unir avec la philosophie ; de manière que la poésie, sans rien perdre de ses grâces, s’élève à de nouvelles beautés, et que la philosophie, sans sécheresse et sans enflure, conserve son exactitude et sa profondeur.

On ne peut lire son théâtre sans observer que l’art tragique lui doit les seuls progrès qu’il ait faits depuis Racine ; et ceux même qui lui refuseraient la supériorité ou l’égalité du talent de la poésie, ne pourraient, sans aveuglement ou sans injustice, méconnaître ces progrès. Ses dernières tragédies prouvent qu’il était bien éloigné de croire avoir atteint le but de cet art si difficile. Il sentait que l’on pouvait encore rapprocher davantage la tragédie de la nature, sans lui rien ôter de sa pompe et de sa noblesse ; qu’elle peignait encore trop souvent des mœurs de convention, que les femmes y par-