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VIE DE VOLTAIRE.


satisfaire son orgueil, ses projets d’hypocrisie, ou son attachement opiniâtre à ses opinions ?

On a reproché à Voltaire son acharnement contre Maupertuis ; mais cet acharnement ne se borna-t-il pas à couvrir de ridicule un homme qui, par de basses intrigues, avait cherché à le déshonorer et à le perdre, et qui, pour se venger de quelques plaisanteries, avait appelé à son secours la puissance d’un roi irrité par ses insidieuses délations ?

On a prétendu que Voltaire était jaloux, et on y a répondu par ce vers de Tancrède :


De qui dans l’Univers peut-il être jaloux ?


Mais, dit-on, il l'était de Buffon. Quoi ! l’homme dont la main puissante ébranlait les antiques colonnes du temple de la superstition, et qui aspirait à changer en hommes ces vils troupeaux qui gémissaient depuis si longtemps sous la verge sacerdotale, eût-il été jaloux de la peinture heureuse et brillante des mœurs de quelques animaux, ou de la combinaison plus ou moins adroite de quelques vains systèmes démentis par les faits ?

Il l'était de J. J. Rousseau. Il est vrai que sa hardiesse excita celle de Voltaire ; mais le philosophe qui voyait le progrès des lumières adoucir, affranchir et perfectionner l’espèce humaine, et qui jouissait de cette révolution comme de son ouvrage, était-il jaloux de l’écrivain éloquent qui eût voulu condamner l’esprit humain à une ignorance éternelle ? L’ennemi de la superstition était-il jaloux de celui qui, ne trouvant