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VIE DE VOLTAIRE.

Ce simple récit des événements de la vie de Voltaire a fait assez connaître son caractère et son âme : la bienfaisance, l’indulgence pour les faiblesses, la haine de l’injustice et de l’oppression en forment les principaux traits. On peut le compter parmi le très-petit nombre des hommes en qui l’amour de l’humanité a été une véritable passion. Cette passion, la plus noble de toutes, n’a été connue que dans nos temps modernes ; elle est née du progrès des lumières ; et sa seule existence suffit pour confondre les aveugles partisans de l’antiquité, et les calomniateurs de la philosophie.

Mais les heureuses qualités de Voltaire étaient souvent égarées par une mobilité naturelle que l’habitude de faire des tragédies avait encore augmentée. Il passait en un instant de la colère à l’attendrissement, de l’indignation à la plaisanterie. Né avec des passions violentes, elles l’entraînèrent trop loin quelquefois, et sa mobilité le priva des avantages ordinaires aux âmes passionnées : la fermeté dans la conduite, et ce courage que la crainte ne peut arrêter quand il faut agir, et qui ne s’ébranle point par la présence du danger qu’il a prévu ; on l’a vu souvent s’exposer à l’orage presque avec témérité, rarement on l’a vu le braver avec constance ; et ces alternatives d’audace et de faiblesse ont souvent affligé ses amis, et préparé d’indignes triomphes à ses lâches ennemis.

Il fut constant dans l’amitié. Celle qui le liait à Génonville, au président de Maisons, à Formont, à Cideville, à la marquise du Châtelet, à d’Argental,