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VIE DE VOLTAIRE.


d’une caste intolérante qui a usurpé, avec une audace trop longtemps soufferte, le droit de juger et de punir les pensées.

D’ailleurs son empire sur l’esprit de la populace n’est pas encore détruit ; un chrétien privé de la sépulture est encore, aux yeux du petit peuple, un homme digne d’horreur et de mépris, et cette horreur dans les âmes soumises aux préjugés s’étend jusque sur sa famille. Sans doute si la haine des prêtres ne poursuivait que des hommes immortalisés par des chefs-d’œuvre, dont le nom a fatigué la renommée, dont la gloire doit embrasser tous les siècles, on pourrait leur pardonner leurs impuissants efforts ; mais leur haine peut s’attacher à des victimes moins illustres ; et tous les hommes ont les mêmes droits.

Le ministère, un peu honteux de sa faiblesse, crut échapper au mépris public en empêchant de parler de Voltaire dans les écrits, ou dans les endroits où la police est dans l’usage de violer la liberté, sous prétexte d’établir le bon ordre, qu’elle confond trop souvent avec le respect pour les sottises établies ou protégées.

On défendit aux papiers publics de parler de sa mort, et les comédiens eurent ordre de ne jouer aucune de ses pièces. Les ministres ne songèrent pas que de pareils moyens d’empêcher qu’on ne s’irritât contre leur faiblesse, ne serviraient qu’à en donner une nouvelle preuve, et montreraient qu’ils n’avaient ni le courage de mériter l’approbation publique, ni celui de supporter le blâme.