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VIE DE VOLTAIRE.


auquel la nature nous a soumis, et non le secret de nos forces et les lois de notre intelligence.

François-Marie Arouet, qui a rendu le nom de Voltaire si célèbre, naquit à Chatenay le 20 de février 1694, et fut baptisé à Paris, dans l’église de Saint-André des Arcs, le 22 de novembre de la même année. Son excessive faiblesse fut la cause de ce retard, qui pendant sa vie a répandu des nuages sur le lieu et l’époque de sa naissance. On fut aussi obligé de baptiser Fontenelle dans la maison paternelle, parce qu’on désespérait de la vie d’un enfant si débile. Il est assez singulier que les deux hommes célèbres de ce siècle, dont la carrière a été la plus longue, et dont l’esprit s’est conservé tout entier le plus longtemps, soient nés tous deux dans un état de faiblesse et de langueur.

Le père de M. de Voltaire exerçait la charge de trésorier de la chambre des comptes ; sa mère, Marguerite d’Aumart, était d’une famille noble du Poitou. On a reproché à leur fils d’avoir pris ce nom de Voltaire, c’est-à-dire, d’avoir suivi l’usage alors généralement établi dans la bourgeoisie riche, où les cadets, laissant à l’aîné le nom de famille, portaient celui d’un fief ou même d’un bien de campagne. Dans une foule de libelles on a cherché à rabaisser sa naissance. Les gens de lettres ses ennemis semblaient craindre que les gens du monde ne sacrifiassent trop aisément leurs préjugés aux agréments de sa société, à leur admiration pour ses talents, et qu’ils ne traitassent un homme de lettres avec trop d’égalité. Ces reproches sont un hommage : la satire n’attaque