On préféra de négocier avec le ministère. N’osant ni blesser l’opinion publique en servant la vengeance du clergé, ni déplaire aux prêtres en les forçant de se conformer aux lois, ni les punir en érigeant un monument public au grand homme dont ils troublaient si lâchement les cendres, et en le dédommageant des honneurs ecclésiastiques qu’il méritait si peu, par des honneurs civiques dus à son génie et au bien qu’il avait fait à la nation, les ministres approuvèrent la proposition de transporter le corps de Voltaire dans l’église d’un monastère dont son neveu était abbé. Il fut donc conduit à Scellières. Les prêtres étaient convenus de ne pas troubler l’exécution de ce projet. Cependant deux grandes dames, très-dévotes, écrivirent à l’évêque de Troyes pour l’engager à s’opposer à l’inhumation, en qualité d’évêque diocésain. Mais heureusement, pour l’honneur de l’évêque, ces lettres arrivèrent trop tard : et Voltaire fut enterré.
L’Académie française était dans l’usage de faire un service aux Cordeliers pour chacun de ses membres. L’archevêque de Paris, Beaumont, si connu par son ignorance et son fanatisme, défendit de faire ce service. Les Cordeliers obéirent à regret, sachant bien que les confesseurs de Beaumont lui pardonnaient la vengeance, et ne lui prêchaient pas la justice. L’Académie résolut alors de suspendre cet usage, jusqu’à ce que l’insulte faite au plus illustre de ses membres eût été réparée. Ainsi Beaumont servit malgré lui à détruire une superstition ridicule. Cependant le roi de Prusse ordonna pour Voltaire