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VIE DE VOLTAIRE.


Voltaire la divinité de Jésus-Christ, à laquelle il s’intéressait plus qu’aux autres dogmes. Il le tira un jour de sa léthargie, en lui criant aux oreilles : Croyez-vous à la divinité de Jésus-Christ ? — Au non de DIEU, Monsieur ne me parlez plus de cet homme-là, et laissez-moi mourir en repos, répondit Voltaire.

Alors le prêtre annonça qu’il ne pouvait s’empêcher de lui refuser la sépulture. Il n’en avait pas le droit ; car, suivant les lois, ce refus doit être précédé d’une sentence d’excommunication, ou d’un jugement séculier. On peut même appeler comme d’abus de l’excommunication. La famille, en se plaignant au parlement, eût obtenu justice. Mais elle craignit le fanatisme de ce corps, la haine de ses membres pour Voltaire qui avait tonné tant de fois contre ses injustices et combattu ses prétentions. Elle ne sentit point que le parlement ne pouvait, sans se déshonorer, s’écarter des principes qu’il avait suivis en faveur des jansénistes ; qu’un grand nombre de jeunes magistrats n’attendaient qu’une occasion d’effacer, par quelque action éclatante, ce reproche de fanatisme qui les humiliait, de s’honorer en donnant une marque de respect à la mémoire d’un homme de génie qu’ils avaient eu le malheur de compter parmi leurs ennemis, et démontrer qu’ils aimaient mieux réparer leurs injustices, que venger leurs injures. La famille ne sentit pas combien lui donnait de force cet enthousiasme que Voltaire avait excité, enthousiasme qui avait gagné toutes les classes de la nation, et qu’aucune autorité n’eût osé attaquer de front.