Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée
162
VIE DE VOLTAIRE.

vices, et qui se vantait d’avoir réconcilié avec l’Église l’abbé de l’Attaignant, connu par des scandales d’un autre genre.

L’abbé Gauthier confessa Voltaire, et reçut de lui une profession de foi, par laquelle il déclarait qu’il mourait dans la religion catholique où il était né.

A cette nouvelle qui scandalisa un peu plus les hommes éclairés qu’elle n’édifia les dévots, le curé de Saint-Sulpice courut chez son paroissien, qui le reçut avec politesse, et lui donna, suivant l’usage, une aumône honnête pour ses pauvres. Mais, jaloux que l’abbé Gauthier l’eût gagné de vitesse, il trouva que l’aumônier des Incurables avait été trop facile ; qu’il aurait fallu exiger une profession de foi plus détaillée, un désaveu exprès de toutes les doctrines contraires à la foi, que Voltaire avait pu être accusé de soutenir. L’abbé Gauthier prétendait qu’on aurait tout perdu en voulant tout avoir. Pendant cette dispute Voltaire guérit ; on joua Irène, et la conversion fut oubliée. Mais au moment de la rechute, le curé revint, bien déterminé à ne pas enterrer Voltaire, s’il n’obtenait pas cette rétraction si désirée.

Ce curé était un de ces hommes moitié hypocrites, moitié imbéciles, parlant avec la persuasion stupide d’un énergumène, agissant avec la souplesse d’un jésuite, humble dans ses manières jusqu’à la bassesse, arrogant dans ses prétentions sacerdotales, rampant auprès des grands, charitable pour cette populace dont on dispose avec des aumônes, et fatiguant les simples citoyens de son impérieux fanatisme. Il voulait absolument faire reconnaître au moins à